grave où elles sentaient qu’elles allaient se trouver.
Elles ne s’étaient pas trompées sur la gravité de cette circonstance, car, un instant après que M. Morrel fut entré dans son cabinet avec Coclès, Julie en vit sortir ce dernier, pâle, tremblant, et le visage tout bouleversé.
Elle voulut l’interroger comme il passait près d’elle, mais le brave homme, continuant de descendre l’escalier avec une précipitation qui ne lui était pas habituelle, se contenta de s’écrier en levant les bras au ciel :
— Ô Mademoiselle ! Mademoiselle ! quel affreux malheur ! et qui jamais aurait cru cela !
Un instant après, Julie le vit remonter portant deux ou trois gros registres, un portefeuille et un sac d’argent.
Morrel consulta les registres, ouvrit le portefeuille, compta l’argent.
Toutes ses ressources montaient à six ou huit mille francs, ses rentrées jusqu’au 5 à quatre ou cinq mille ; ce qui faisait, en cotant au plus haut, un actif de quatorze mille francs pour faire face à une traite de deux cent quatre-vingt-sept mille cinq cents francs. Il n’y avait pas même moyen d’offrir un pareil à-compte.
Cependant lorsque Morrel descendit pour dîner il paraissait assez calme. Ce calme effraya plus les deux femmes que n’aurait pu le faire le plus profond abattement.
Après le dîner, Morrel avait l’habitude de sortir ; il allait prendre son café au cercle des Phocéens et lire le Sémaphore : ce jour-là il ne sortit point et remonta dans son bureau.
Quant à Coclès, il paraissait complètement hébété. Pendant une partie de la journée il s’était tenu dans la cour, assis sur une pierre, la tête nue, par un soleil de trente degrés.