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de sept ou huit marins à moitié nus. À la vue de ces hommes, l’Anglais tressaillit ; il fit un pas comme pour aller à eux, mais il se contint et s’effaça au contraire dans l’angle le plus obscur et le plus éloigné du cabinet.

Madame Morrel alla s’asseoir dans le fauteuil, prit une des mains de son mari dans les siennes, tandis que Julie demeurait appuyée à la poitrine de son père. Emmanuel était resté à mi-chemin de la chambre et semblait servir de lien entre le groupe de la famille Morrel et les marins qui se tenaient à la porte.

— Comment cela est-il arrivé ? demanda Morrel.

— Approchez, Penelon, dit le jeune homme, et racontez l’événement.

Un vieux matelot, bronzé par le soleil de l’équateur, s’avança roulant entre ses mains les restes d’un chapeau.

— Bonjour, monsieur Morrel, dit-il, comme s’il avait quitté Marseille la veille et qu’il arrivât d’Aix ou de Toulon.

— Bonjour, mon ami, dit l’armateur ne pouvant s’empêcher de sourire dans ses larmes ; mais où est le capitaine ?

— Quant à ce qui est du capitaine, monsieur Morrel, il est resté malade à Palma ; mais, s’il plaît à Dieu, cela ne sera rien, et vous le verrez arriver dans quelques jours aussi bien portant que vous et moi.

— C’est bien… maintenant parlez, Penelon, dit M. Morrel.

Penelon fit passer sa chique de la joue droite à la joue gauche, mit la main devant la bouche, se détourna, lança dans l’antichambre un long jet de salive noirâtre, avança le pied, et se balançant sur ses hanches :

— Pour lors, monsieur Morrel, dit-il, nous étions quelque chose comme cela entre le cap Blanc et le cap