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que l’écriture ne fût pas reconnue, une petite dénonciation ainsi conçue.

Et Danglars, joignant l’exemple au précepte, écrivit de la main gauche et d’une écriture renversée, qui n’avait aucune analogie avec son écriture habituelle, les lignes suivantes, qu’il passa à Fernand, et que Fernand lut à demi voix.

« Monsieur le procureur du roi est prévenu, par un ami du trône et de la religion, que le nommé Edmond Dantès, second du navire le Pharaon arrivé ce matin de Smyrne après avoir touché à Naples et à Porto-Ferrajo, a été chargé, par Murat, d’une lettre pour l’usurpateur, et, par l’usurpateur, d’une lettre pour le comité bonapartiste de Paris.

« On aura la preuve de son crime en l’arrêtant ; car on trouvera cette lettre ou sur lui, ou chez son père, ou dans sa cabine à bord du Pharaon. »

— À la bonne heure, continua Danglars ; ainsi votre vengeance aurait le sens commun, car d’aucune façon alors elle ne pourrait retomber sur vous, et la chose irait toute seule ; il n’y aurait plus qu’à plier cette lettre, comme je le fais, et à écrire dessus : « À monsieur le procureur royal. » Tout serait dit.

Et Danglars écrivit l’adresse en se jouant.

— Oui, tout serait dit, s’écria Caderousse, qui par un dernier effort d’intelligence avait suivi la lecture, et qui comprenait d’instinct tout ce qu’une pareille dénonciation pourrait entraîner de malheur ; oui, tout serait dit : seulement, ce serait une infamie.

Et il allongea le bras pour prendre la lettre.

— Aussi, dit Danglars en la poussant hors de la portée de sa main ; aussi, ce que je dis et ce que je fais, c’est en plaisantant ; et, le premier, je serais bien fâché