Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/307

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Maintenant, vous faut-il encore autre chose ? demanda le patron.

— Un morceau de pain et une seconde gorgée de cet excellent rhum dont j’ai déjà goûté ; car il y a bien longtemps que je n’ai rien pris.

En effet, il y avait quarante heures à peu près.

On apporta à Dantès un morceau de pain, et Jacopo lui présenta la gourde.

— La barre à bâbord ! cria le capitaine en se retournant vers le timonier.

Dantès jeta un coup d’œil du même côté en portant la gourde à sa bouche, mais la gourde resta à moitié chemin.

— Tiens ! demanda le patron, que se passe-t-il donc au château d’If.

En effet, un petit nuage blanc, nuage qui avait attiré l’attention de Dantès, venait d’apparaître, couronnant les créneaux du bastion sud du château d’If.

Une seconde après, le bruit d’une explosion lointaine vint mourir à bord de la tartane.

Les matelots levèrent la tête en se regardant les uns les autres.

— Que veut dire cela ? demanda le patron.

— Il se sera sauvé quelque prisonnier cette nuit, dit Dantès, et l’on tire le canon d’alarme.

Le patron jeta un regard sur le jeune homme, qui, en disant ces paroles, avait porté la gourde à sa bouche ; mais il le vit savourer la liqueur qu’elle contenait avec tant de calme et de satisfaction, que, s’il eut un soupçon quelconque, ce soupçon ne fit que traverser son esprit et mourut aussitôt.

— Voilà du rhum qui est diablement fort, fit Dantès, essuyant avec la manche de sa chemise son front ruisselant de sueur.