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sans doute, mais dont la répétition devait promptement user ses forces.

Il nageait cependant, et déjà le château terrible s’était un peu fondu dans la vapeur nocturne : il ne le distinguait pas, mais il le sentait toujours.

Une heure s’écoula, pendant laquelle Dantès, exalté par le sentiment de la liberté qui avait envahi toute sa personne, continua de fendre les flots dans la direction qu’il s’était faite.

— Voyons, se disait-il, voilà bientôt une heure que je nage, mais comme le vent m’est contraire j’ai dû perdre un quart de ma rapidité ; cependant, à moins que je ne me sois trompé de ligne, je ne dois pas être loin de Tiboulen maintenant.

Mais, si je m’étais trompé !

Un frisson passa par tout le corps du nageur ; il essaya de faire un instant la planche pour se reposer ; mais la mer devenait de plus en plus forte, et il comprit bientôt que ce moyen de soulagement, sur lequel il avait compté, était impossible.

— Eh bien ! dit-il, soit, j’irai jusqu’au bout, jusqu’à ce que mes bras se lassent, jusqu’à ce que les crampes envahissent mon corps, et alors je coulerai à fond !

Et il se mit à nager avec la force et l’impulsion du désespoir.

Tout à coup il lui sembla que le ciel, déjà si obscur, s’assombrissait encore, qu’un nuage épais, lourd, compact s’abaissait vers lui ; en même temps, il sentit une violente douleur au genou : l’imagination, avec son incalculable vitesse, lui dit alors que c’était le choc d’une balle, et qu’il allait immédiatement entendre l’explosion du coup de fusil ; mais l’explosion ne retentit pas. Dantès allongea la main et sentit une résistance, il retira son