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cher. Ainsi, tout était fini. Une séparation matérielle existait déjà entre Dantès et son vieil ami ; il ne pouvait plus voir ces yeux qui étaient restés ouverts comme pour regarder au delà de la mort, il ne pouvait plus serrer cette main industrieuse qui avait soulevé pour lui le voile qui couvrait les choses cachées. Faria, l’utile, le bon compagnon auquel il s’était habitué avec tant de force, n’existait plus que dans son souvenir. Alors il s’assit au chevet de ce lit terrible, et se plongea dans une sombre et amère mélancolie.

Seul ! il était redevenu seul ! il était retombé dans le silence, il se retrouvait en face du néant !

Seul ! plus même la vue, plus même la voix du seul être humain qui l’attachait encore à la terre ! Ne valait-il pas mieux, comme Faria, s’en aller demander à Dieu l’énigme de la vie, au risque de passer par la porte lugubre des souffrances !

L’idée du suicide, chassée par son ami, écartée par sa présence, revint alors se dresser comme un fantôme près du cadavre de Faria.

— Si je pouvais mourir, dit-il, j’irais où il va, et je le retrouverais certainement. Mais comment mourir ? C’est bien facile, ajouta-t-il en riant ; je vais rester ici, je me jetterai sur le premier qui va entrer, je l’étranglerai et l’on me guillotinera.

Mais, comme il arrive que, dans les grandes douleurs comme dans les grandes tempêtes, l’abîme se trouve entre deux cimes de flots, Dantès recula à l’idée de cette mort infamante, et passa précipitamment de ce désespoir à une soif ardente de vie et de liberté.

— Mourir ! oh non ! s’écria-t-il, ce n’est pas la peine d’avoir tant vécu, d’avoir tant souffert, pour mourir maintenant ! Mourir, c’était bon quand j’en avais pris la