Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/278

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vie misérable, vous que le ciel m’a donné un peu tard, mais enfin qu’il m’a donné, présent inappréciable et dont je le remercie ; au moment de me séparer de vous pour jamais, je vous souhaite tout le bonheur, toute la prospérité que vous méritez : mon fils, je vous bénis !

Le jeune homme se jeta à genoux, appuyant sa tête contre le lit du vieillard.

— Mais surtout, écoutez bien ce que je vous dis à ce moment suprême : le trésor des Spada existe ; Dieu permet qu’il n’y ait plus pour moi ni distance, ni obstacle. Je le vois au fond de la seconde grotte ; mes yeux percent les profondeurs de la terre et sont éblouis de tant de richesses. Si vous parvenez à fuir, rappelez-vous que le pauvre abbé que tout le monde croyait fou ne l’était pas. Courez à Monte-Cristo, profitez de notre fortune, profitez-en, vous avez assez souffert.

Une secousse violente interrompit le vieillard ; Dantès releva la tête, il vit les yeux qui s’injectaient de rouge : on eût dit qu’une vague de sang venait de monter de sa poitrine à son front.

— Adieu ! adieu ! murmura le vieillard en pressant convulsivement la main du jeune homme, adieu !…

— Oh ! pas encore, pas encore ! s’écria celui-ci ; ne nous abandonnez pas ; ô mon Dieu ! secourez-le… à l’aide… à moi…

— Silence ! silence ! murmura le moribond, qu’on ne nous sépare pas si vous me sauvez !

— Vous avez raison. Oh ! oui, oui, soyez tranquille, je vous sauverai ! D’ailleurs, quoique vous souffriez beaucoup, vous paraissez souffrir moins que la première fois.

— Oh ! détrompez-vous ! je souffre moins, parce qu’il y a en moi moins de forces pour souffrir. À votre âge on a foi dans la vie, c’est le privilège de la jeunesse de