Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/258

Cette page a été validée par deux contributeurs.

recouvrait d’une natte afin de cacher aux yeux la solution de continuité qu’il n’avait pas eu le temps de faire disparaître.

C’était le gouverneur qui, ayant appris par le geôlier l’accident de Faria, venait s’assurer par lui-même de sa gravité.

Faria le reçut assis, évita tout geste compromettant, et parvint à cacher au gouverneur la paralysie qui avait déjà frappé de mort la moitié de sa personne. Sa crainte était que le gouverneur, touché de pitié pour lui, ne le voulût mettre dans une prison plus saine et ne le séparât ainsi de son jeune compagnon ; mais il n’en fut heureusement pas ainsi, et le gouverneur se retira convaincu que son pauvre fou, pour lequel il ressentait au fond du cœur une certaine affection, n’était atteint que d’une indisposition légère.

Pendant ce temps, Edmond, assis sur son lit et la tête dans ses mains, essayait de rassembler ses pensées ; tout était si raisonné, si grand et si logique dans Faria depuis qu’il le connaissait, qu’il ne pouvait comprendre cette suprême sagesse sur tous les points, alliée à la déraison sur un seul : était-ce Faria qui se trompait sur son trésor, était-ce tout le monde qui se trompait sur Faria ?

Dantès resta chez lui toute la journée, n’osant retourner chez son ami. Il essayait de reculer ainsi le moment où il acquerrait la certitude que l’abbé était fou. Cette conviction devait être effroyable pour lui.

Mais vers le soir, après l’heure de la visite ordinaire, Faria, ne voyant pas revenir le jeune homme, essaya de franchir l’espace qui le séparait de lui. Edmond frissonna en entendant les efforts douloureux que faisait le vieillard pour se traîner : sa jambe était inerte, et il ne pouvait plus s’aider de son bras. Edmond fut obligé de