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non pas pour un jour, mais à jamais. Soulevez-le vous-même, et voyez ce qu’il pèse.

Le jeune homme souleva le bras, qui retomba insensible. Il poussa un soupir.

— Vous êtes convaincu, maintenant, n’est-ce pas, Edmond ? dit Faria ; croyez-moi, je sais ce que je dis : depuis la première attaque que j’ai eue de ce mal, je n’ai pas cessé d’y réfléchir. Je l’attendais, car c’est un héritage de famille ; mon père est mort à la troisième crise, mon aïeul aussi. Le médecin qui m’a composé cette liqueur, et qui n’est autre que le fameux Cabanis, m’a prédit le même sort.

— Le médecin se trompe, s’écria Dantès ; quant à votre paralysie, elle ne me gêne pas, je vous prendrai sur mes épaules et je nagerai en vous soutenant.

— Enfant, dit l’abbé, vous êtes marin, vous êtes nageur, vous devez par conséquent savoir qu’un homme chargé d’un fardeau pareil ne ferait pas cinquante brasses dans la mer. Cessez de vous laisser abuser par des chimères dont votre excellent cœur n’est pas même la dupe ; je resterai donc ici jusqu’à ce que sonne l’heure de ma délivrance, qui ne peut plus être maintenant que celle de la mort. Quant à vous, fuyez, partez ! Vous êtes jeune, adroit et fort, ne vous inquiétez pas de moi, je vous rends votre parole.

— C’est bien, dit Dantès. Eh bien ! alors, moi aussi, je resterai.

Puis, se levant et étendant une main solennelle sur le vieillard :

— Par le sang du Christ, je jure de ne vous quitter qu’à votre mort !

Faria considéra ce jeune homme si noble, si simple, si élevé, et lut sur ses traits animés par l’expression du