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— Alors, vous vous prétendez innocent du fait qu’on vous impute ?

— Complétement innocent, sur la tête des deux seules personnes qui me sont chères, sur la tête de mon père et de Mercédès.

— Voyons, dit l’abbé en refermant sa cachette et en repoussant son lit à sa place, racontez-moi donc votre histoire.

Dantès alors raconta ce qu’il appelait son histoire, et qui se bornait à un voyage dans l’Inde et à deux ou trois voyages dans le Levant ; enfin il en arriva à sa dernière traversée, à la mort du capitaine Leclère, au paquet remis par lui pour le grand maréchal, à l’entrevue du grand maréchal, à la lettre remise par lui et adressée à un monsieur Noirtier ; enfin à son arrivée à Marseille, à son entrevue avec son père, à ses amours avec Mercédès, au repas de ses fiançailles, à son arrestation, à son interrogatoire, à sa prison provisoire au palais de justice, enfin à sa prison définitive au château d’If. Arrivé là, Dantès ne savait plus rien, pas même le temps qu’il y était resté prisonnier.

Le récit achevé, l’abbé réfléchit profondément.

— Il y a, dit-il au bout d’un instant, un axiome de droit d’une grande profondeur, et qui en revient à ce que je vous disais tout à l’heure, c’est qu’à moins que la pensée mauvaise ne naisse avec une organisation faussée, la nature humaine répugne au crime. Cependant la civilisation nous a donné des besoins, des vices, des appétits factices qui ont parfois l’influence de nous faire étouffer nos bons instincts et qui nous conduisent au mal. De là cette maxime : Si vous voulez découvrir le coupable, cherchez d’abord celui à qui le crime commis peut être utile !