— Voyez, lui dit-il, tout est là ; il y a huit jours à peu près que j’ai écrit le mot fin au bas de la soixante-huitième bande. Deux de mes chemises et tout ce que j’avais de mouchoirs y a passé ; si jamais je redeviens libre et qu’il se trouve dans toute l’Italie un imprimeur qui ose m’imprimer, ma réputation est faite.
— Oui, répondit Dantès, je vois bien. Et maintenant montrez-moi donc, je vous prie, les plumes avec lesquelles a été écrit cet ouvrage.
— Voyez, dit Faria.
Et il montra au jeune homme un petit bâton long de six pouces, gros comme le manche d’un pinceau, au bout et autour duquel était lié par un fil un de ces cartilages, encore taché par l’encre, dont l’abbé avait parlé à Dantès ; il était allongé en bec et fendu comme une plume ordinaire.
Dantès l’examina, cherchant des yeux l’instrument avec lequel il avait pu être taillé d’une façon si correcte.
— Ah ! oui, dit Faria, le canif, n’est-ce pas ? C’est mon chef-d’œuvre ; je l’ai fait, ainsi que le couteau que voici, avec un vieux chandelier de fer.
Le canif coupait comme un rasoir. Quant au couteau, il avait cet avantage qu’il pouvait servir tout à la fois de couteau et de poignard.
Dantès examina ces différents objets avec la même attention que, dans les boutiques de curiosités de Marseille, il avait examiné parfois ces instruments exécutés par des sauvages et rapportés des mers du Sud par les capitaines au long cours.
— Quant à l’encre, dit Faria, vous savez comment je procède : je la fais à mesure que j’en ai besoin.
— Maintenant je m’étonne d’une chose, dit Dantès,