Napoléon et que ce fils au berceau avait été nommé roi de Rome. J’étais loin de me douter alors de ce que vous m’avez dit tout à l’heure : c’est que, quatre ans plus tard, le colosse serait renversé ; qui règne donc en France ? est-ce Napoléon II ?
— Non, c’est Louis XVIII.
— Louis XVIII, le frère de Louis XVI ! les décrets du ciel sont étranges et mystérieux. Quelle a donc été l’intention de la Providence en abaissant l’homme qu’elle avait élevé et en élevant celui qu’elle avait abaissé ?
Dantès suivait des yeux cet homme qui oubliait un instant sa propre destinée pour se préoccuper ainsi des destinées du monde.
— Oui, oui, continua-t-il, c’est comme en Angleterre : après Charles Ier, Cromwell, après Cromwell, Charles II, et peut-être après Jacques II, quelque gendre, quelque parent, quelque prince d’Orange ; un stathouder qui se fera roi ; et alors de nouvelles concessions au peuple, alors une constitution, alors la liberté ! Vous verrez cela, jeune homme, dit-il en se retournant vers Dantès et en le regardant avec des yeux brillants et profonds comme en devaient avoir les prophètes. Vous êtes encore d’âge à le voir, vous verrez cela.
— Oui, si je sors d’ici.
— Ah ! c’est juste, dit l’abbé Faria. Nous sommes prisonniers ; il y a des moments où je l’oublie, et où, parce que mes yeux percent les murailles qui m’enferment, je me crois en liberté.
— Mais pourquoi êtes-vous enfermé, vous ?
— Moi ? parce que j’ai rêvé en 1807 le projet que Napoléon a voulu réaliser en 1811 ; parce que, comme Machiavel, au milieu de tous ces principicules qui faisaient de l’Italie un nid de petits royaumes tyranniques et