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— Je me jetais à la nage, je gagnais une des îles qui environnent le château d’If, soit l’île de Daume, soit l’île de Tiboulen, soit même la côte, et alors j’étais sauvé.

— Auriez-vous donc pu nager jusque-là ?

— Dieu m’eût donné la force ; et maintenant tout est perdu.

— Tout ?

— Oui. Rebouchez votre trou avec précaution, ne travaillez plus, ne vous occupez de rien, et attendez de mes nouvelles.

— Qui êtes-vous au moins… dites-moi qui vous êtes ?

— Je suis… je suis… le no 27.

— Vous défiez-vous donc de moi ? demanda Dantès.

Edmond crut entendre comme un rire amer percer la voûte et monter jusqu’à lui.

— Oh ! je suis bon chrétien, s’écria-t-il, devinant instinctivement que cet homme songeait à l’abandonner ; je vous jure sur le Christ que je me ferai tuer plutôt que de laisser entrevoir à vos bourreaux et aux miens l’ombre de la vérité ; mais, au nom du ciel, ne me privez pas de votre présence, ne me privez pas de votre voix, ou, je vous le jure, car je suis au bout de ma force, je me brise la tête contre la muraille, et vous aurez ma mort à vous reprocher.

— Quel âge avez-vous ? votre voix semble être celle d’un jeune homme.

— Je ne sais pas mon âge, car je n’ai pas mesuré le temps depuis que je suis ici. Ce que je sais, c’est que j’allais avoir dix-neuf ans lorsque j’ai été arrêté le 18 février 1815.

— Pas tout à fait vingt-six ans, murmura la voix. Allons, à cet âge on n’est pas encore un traître,

— Oh ! non ! non ! je vous le jure, répéta Dantès. Je