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parole à cet homme, ne lui répondant pas quand il lui avait parlé pour lui demander de quelle maladie il croyait être atteint, et se retournant du côté du mur quand il en était regardé trop attentivement. Mais aujourd’hui le geôlier pouvait entendre ce bruissement sourd, s’en alarmer, y mettre fin, et déranger ainsi peut-être ce je ne sais quoi d’espérance, dont l’idée seule charmait les derniers moments de Dantès.

Le geôlier apportait à déjeuner.

Dantès se souleva sur son lit, et, enflant sa voix, se mit à parler sur tous les sujets possibles, sur la mauvaise qualité des vivres qu’il apportait, sur le froid dont on souffrait dans ce cachot, murmurant et grondant pour avoir le droit de crier plus fort, et lassant la patience du geôlier, qui justement ce jour-là avait sollicité pour le prisonnier malade un bouillon et du pain frais, et qui lui apportait ce bouillon et ce pain.

Heureusement il crut que Dantès avait le délire ; il posa les vivres sur la mauvaise table boiteuse sur laquelle il avait l’habitude de les poser, et se retira.

Libre alors, Edmond se remit à écouter avec joie.

Le bruit devenait si distinct que maintenant le jeune homme l’entendait sans efforts.

Plus de doute, se dit-il à lui-même, puisque ce bruit continue, malgré le jour, c’est quelque malheureux prisonnier comme moi qui travaille à sa délivrance. Oh ! si j’étais près de lui, comme je l’aiderais !

Puis tout à coup un nuage sombre passa sur cette aurore d’espérance dans ce cerveau habitué au malheur et qui ne pouvait se reprendre que difficilement aux joies humaines ; cette idée surgit aussitôt, que ce bruit avait pour cause le travail de quelques ouvriers que le gouverneur employait aux réparations d’une chambre voisine.