Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/188

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’il désirait, l’espace qu’il estimait à un si haut prix, et la liberté qu’il offrait de payer si cher. Mais les rois de nos jours, maintenus dans la limite du probable, n’ont plus l’audace de la volonté ; ils craignent l’oreille qui écoute les ordres qu’ils donnent, l’œil qui scrute leurs actions ; ils ne sentent plus la supériorité de leur essence divine ; ils sont des hommes couronnés, voilà tout. Jadis ils se croyaient ou du moins se disaient fils de Jupiter, et retenaient quelque chose des façons du dieu leur père : on ne contrôle pas facilement ce qui se passe au delà des nuages ; aujourd’hui les rois se laissent aisément rejoindre. Or, comme il a toujours répugné au gouvernement despotique de montrer au grand jour les effets de la prison et de la torture ; comme il y a peu d’exemples qu’une victime des inquisitions ait pu reparaître avec ses os broyés et ses plaies saignantes, de même la folie, cet ulcère né dans la fange des cachots à la suite des tortures morales, se cache presque toujours avec soin dans le lieu où elle est née, ou, si elle en sort, elle va s’ensevelir dans quelque hôpital sombre, où les médecins ne reconnaissent ni l’homme ni la pensée dans le débris informe que leur transmet le geôlier fatigué.

L’abbé Faria, devenu fou en prison, était condamné, par sa folie même, à une prison perpétuelle.

Quant à Dantès, l’inspecteur lui tint parole. En remontant chez le gouverneur, il se fit représenter le registre d’écrou. La note concernant le prisonnier était ainsi conçue :


Edmond Dantès. Bonapartiste enragé ; a pris une part active au retour de l’île d’Elbe.
À tenir au plus grand secret et sous la plus stricte surveillance.