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politique, mon cher, vous le savez comme moi, il n’y a pas d’hommes, mais des idées ; pas de sentiments, mais des intérêts ; en politique, on ne tue pas un homme : on supprime un obstacle, voilà tout. Voulez-vous savoir comment les choses se sont passées ? eh bien, moi je vais vous le dire. On croyait pouvoir compter sur le général Quesnel : on nous l’avait recommandé de l’île d’Elbe ; l’un de nous va chez lui, l’invite à se rendre rue Saint-Jacques à une assemblée où il trouvera des amis ; il y vient, et là on lui déroule tout le plan, le départ de l’île d’Elbe, le débarquement projeté ; puis, quand il a tout écouté, tout entendu, qu’il ne reste plus rien à lui apprendre, il répond qu’il est royaliste : alors chacun se regarde ; on lui fait faire serment, il le fait, mais de si mauvaise grâce vraiment, que c’était tenter Dieu que de jurer ainsi ; eh bien, malgré tout cela, on a laissé le général sortir libre, parfaitement libre. Il n’est pas rentré chez lui, que voulez-vous, mon cher ? Il est sorti de chez nous ; il se sera trompé de chemin, voilà tout. Un meurtre ! en vérité vous me surprenez, Villefort, vous, substitut du procureur du roi, de bâtir une accusation sur de si mauvaises preuves. Est-ce que jamais je me suis avisé de vous dire à vous, quand vous exercez votre métier de royaliste et que vous faites couper la tête à l’un des miens : « Mon fils, vous avez commis un meurtre ! » Non, j’ai dit : « Très bien, Monsieur, vous avez combattu victorieusement ; à demain la revanche. »

— Mais, mon père, prenez garde, cette revanche sera terrible quand nous la prendrons.

— Je ne vous comprends pas.

— Vous comptez sur le retour de l’usurpateur ?

— Je l’avoue.

— Vous vous trompez, mon père, il ne fera pas dix