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la police, bien qu’il sentît que celui-ci était irrévocablement perdu. En effet, le ministre qui n’avait pas, dans la plénitude de sa puissance, su deviner le secret de Napoléon, pouvait, dans les convulsions de son agonie, pénétrer celui de Villefort : il ne lui fallait pour cela qu’interroger Dantès. Il vint donc en aide au ministre au lieu de l’accabler.

— Sire, dit Villefort, la rapidité de l’événement doit prouver à Votre Majesté que Dieu seul pouvait l’empêcher en soulevant une tempête ; ce que Votre Majesté croit de ma part l’effet d’une profonde perspicacité est dû purement et simplement au hasard ; j’ai profité de ce hasard en serviteur dévoué, voilà tout. Ne m’accordez pas plus que je ne mérite, sire, pour ne revenir jamais sur la première idée que vous aurez conçue de moi.

Le ministre de la police remercia le jeune homme par un regard éloquent, et Villefort comprit qu’il avait réussi dans son projet, c’est-à-dire que, sans rien perdre de la reconnaissance du roi, il venait de se faire un ami sur lequel, le cas échéant, il pouvait compter.

— C’est bien, dit le roi. Et maintenant, Messieurs, continua-t-il en se retournant vers M. de Blacas et vers le ministre de la police, je n’ai plus besoin de vous, et vous pouvez vous retirer : ce qui reste à faire est du ressort du ministre de la guerre.

— Heureusement, sire, dit M. de Blacas, que nous pouvons compter sur l’armée. Votre Majesté sait combien tous les rapports nous la peignent dévouée à votre gouvernement.

— Ne me parlez pas de rapports : maintenant, duc, je sais la confiance que l’on peut avoir en eux. Eh ! mais, à propos de rapports, monsieur le baron, qu’avez-vous appris de nouveau sur l’affaire de la rue Saint-Jacques ?