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— Que voulez-vous dire ?

— Que Votre Majesté commande, dit Cagliostro à voix basse, et j’obéirai.

— Je vous commande de me révéler ma destinée, monsieur de Cagliostro, reprit le roi avec une majesté pleine de courtoisie.

En même temps, comme le comte de Haga s’était laissé traiter en roi et avait rompu l’incognito en donnant un ordre, monsieur de Richelieu se leva, vint humblement saluer le prince, et lui dit :

— Merci pour l’honneur que le roi de Suède a fait à ma maison, Sire ; que Votre Majesté veuille prendre la place d’honneur. À partir de ce moment, elle ne peut plus appartenir qu’à vous.

— Restons, restons comme nous sommes, monsieur le maréchal, et ne perdons pas un mot de ce que monsieur le comte de Cagliostro va me dire.

— Aux rois on ne dit pas la vérité, Sire.

— Bah ! je ne suis pas dans mon royaume. Reprenez votre place, monsieur le duc ; parlez, monsieur de Cagliostro, je vous en conjure.

Cagliostro jeta les yeux sur son verre ; des globules pareils à ceux qui traversent le vin de Champagne montaient du fond à la surface ; l’eau semblait, attirée par son regard puissant, s’agiter sous sa volonté.

— Sire, dites-moi ce que vous voulez savoir, dit Cagliostro ; me voilà prêt à vous répondre.

— Dites-moi de quelle mort je mourrai.

— D’un coup de feu, Sire.

Le front de Gustave rayonna.

— Ah ! dans une bataille, dit-il, de la mort d’un soldat. Merci, monsieur de Cagliostro, cent fois merci. Oh ! je prévois des batailles, et Gustave-Adolphe et Charles XII m’ont montré comment l’on mourait lorsqu’on est roi de Suède.

Cagliostro baissa la tête sans répondre.

Le comte de Haga fronça le sourcil.

— Oh ! oh ! dit-il, n’est-ce pas dans une bataille que le coup de feu sera tiré ?