Page:Dumas - Le Collier de la reine, 1888, tome 1.djvu/25

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Monsieur le comte, répondit le capitaine avec cet accent à la fois caressant et respectueux de l’homme habitué à parler aux têtes couronnées, je quitte le roi il y a une heure, et le roi a été si plein de bonté pour moi, que nul ne criera plus haut — vive le roi ! — que je ne le ferai. Seulement, comme dans une heure je courrai la poste pour gagner la mer, où m’attendent les deux flûtes que le roi met à ma disposition, une fois hors d’ici, je vous demanderai la permission de crier vive un autre roi que j’aimerais fort à servir, si je n’avais un si bon maître.

Et en levant son verre, monsieur de Lapeyrouse salua humblement le comte de Haga.

— Cette santé que vous voulez porter, dit madame Dubarry, placée à la gauche du maréchal, nous sommes tous prêts, monsieur, à y faire raison. Mais encore faut-il que notre doyen d’âge la porte, comme on dirait au parlement.

— Est-ce à toi que le propos s’adresse, Taverney, ou bien à moi ? dit le maréchal en riant et en regardant son vieil ami.

— Je ne crois pas, dit un nouveau personnage placé en face du maréchal de Richelieu.

— Qu’est-ce que vous ne croyez pas, monsieur de Cagliostro ? dit le comte de Haga en attachant son regard perçant sur l’interlocuteur.

— Je ne crois pas, monsieur le comte, dit Cagliostro en s’inclinant, que ce soit monsieur de Richelieu notre doyen d’âge.

— Oh ! voilà qui va bien, dit le maréchal ; il paraît que c’est toi, Taverney.

— Allons donc, j’ai huit ans moins que toi. Je suis de 1704, répliqua le vieux seigneur.

— Malhonnête ! dit le maréchal ; il dénonce mes quatre-vingt-huit ans.

— En vérité ! monsieur le duc, vous avez quatre-vingt-huit ans ? fit monsieur de Concordet.

— Oh, mon Dieu ! oui. C’est un calcul facile à faire, et par cela même indigne d’un algébriste de votre force,