— Sais-tu que chacun de ces œillets contenait un billet adressé à la veuve Capet ?
— Je le sais, répondit l’accusée.
Un mouvement d’horreur et d’admiration se répandit dans la salle.
— Pourquoi offrais-tu ces œillets au citoyen Maurice ?
— Parce que je lui voyais l’écharpe municipale, et que je me doutais qu’il allait au Temple.
— Quels sont tes complices ?
— Je n’en ai pas.
— Comment ! tu as fait le complot à toi toute seule ?
— Si c’est un complot, je l’ai fait à moi toute seule.
— Mais le citoyen Maurice savait-il… ?
— Que ces fleurs continssent des billets ?
— Oui.
— Le citoyen Maurice est municipal ; le citoyen Maurice pouvait voir la reine en tête à tête, à toute heure du jour et de la nuit. Le citoyen Maurice, s’il eût eu quelque chose à dire à la reine, n’avait pas besoin d’écrire, puisqu’il pouvait parler.
— Et tu ne connaissais pas le citoyen Maurice ?
— Je l’avais vu venir au Temple au temps où j’y étais avec ma pauvre mère ; mais je ne le connaissais pas autrement que de vue !
— Vois-tu, misérable ! s’écria Lorin en menaçant du poing Simon, qui, baissant la tête, atterré de la tournure que prenaient les affaires, essayait de fuir inaperçu. Vois-tu ce que tu as fait ?
Tous les regards se tournèrent vers Simon avec un sentiment de parfaite indignation.
Le président continua :
— Puisque c’est toi qui as remis le bouquet, puisque tu savais que chaque fleur contenait un papier, tu dois savoir aussi ce qu’il y avait d’écrit sur ce papier !
— Sans doute, je le sais.
— Eh bien, alors, dis-nous ce qu’il y avait sur ce papier ?
— Citoyen, dit avec fermeté la jeune fille, j’ai dit tout ce que je pouvais et surtout tout ce que je voulais dire.
— Et tu refuses de répondre ?
— Oui.
— Tu sais à quoi tu t’exposes ?
— Oui.
— Tu espères peut-être en ta jeunesse, en ta beauté ?
— Je n’espère qu’en Dieu.
— Citoyen Maurice Lindey, dit le président, citoyen Hyacinthe Lorin, vous êtes libres ; la Commune reconnaît votre innocence et rend justice à votre civisme. Gendarmes, conduisez la citoyenne Héloïse à la prison de la section.
À ces paroles, la femme Tison sembla se réveiller, jeta un effroyable cri, et voulut se précipiter pour embrasser une fois encore sa fille ; mais les gendarmes l’en empêchèrent.
— Je vous pardonne, ma mère, cria la jeune fille pendant qu’on l’entraînait.
La femme Tison poussa un rugissement sauvage, et tomba comme morte.
— Noble fille ! murmura Morand avec une douloureuse émotion.