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roiter le velours de ses ailes, et l’avait cloué avec une épingle contre le lambris de l’appartement. Il n’y a pas un de vous qui n’ait vu l’agonie d’un papillon, et qui, entraîné par le désir de conserver, dans une boîte ou sous un verre, ce gracieux enfant de l’été, n’ait étouffé sous ce désir la sensibilité de son cœur. Vous savez donc combien de temps lutte, en tournant sur le pivot qui lui traverse le corps, la pauvre victime qui meurt de sa beauté. Le papillon du capitaine Pamphile vécut ainsi plusieurs jours, battant des ailes comme s’il eût sucé le suc d’une fleur ; ce mouvement attira l’attention de Jacques, qui le regarda du coin de l’œil sans faire semblant de rien voir, mais qui, profitant d’un moment où le capitaine Pamphile avait le dos tourné, sauta contre la boiserie, et, jugeant de la bonté de l’animal par l’excellence de ses couleurs, le dévora avec sa gloutonnerie accoutumée. Le capitaine Pamphile se retourna aux bonds et aux culbutes que faisait Jacques ; en avalant le papillon, il avait avalé l’épingle ; l’arête de cuivre lui était demeurée dans la gorge ; le malheureux étranglait.

» Le capitaine, qui ne connaissait point la cause de ses grimaces et de ses contorsions, le crut en gaieté, et s’amusa un instant de sa folie ; mais, voyant qu’elle se prolongeait indéfiniment, que la voix du sauteur imitait de plus en plus l’accent de Polichinelle, et qu’au lieu de sucer son pouce comme il avait coutume de le faire depuis son traitement, il se fourrait jusqu’au coude la main dans le gosier, il se douta qu’il y avait dans toutes ces gambades quelque chose de plus pressant que le désir de