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mettait en ce moment en jeu une triple ambition. Tom parut fort étonné de voir disparaître, comme par enchantement, tête, pattes et queue. Il approcha son nez de la carapace, souffla bruyamment dans les ouvertures ; enfin, et comme pour se rendre plus parfaitement compte de la singulière organisation de l’objet qu’il avait sous les yeux, il le prit, le tournant et le retournant entre ses deux pattes ; puis, comme convaincu qu’il s’était trompé en concevant l’absurde idée qu’une pareille chose fût douée de la vie et pût marcher, il la laissa négligemment retomber, prit la carotte entre ses dents, et se mit en devoir de regagner sa niche.

Ce n’était point là l’affaire de Jacques : il n’avait pas compté que le service que lui rendait son ami Tom serait gâté par un pareil trait d’égoïsme ; mais, comme il n’avait pas pour son camarade le même respect que pour l’étrangère, il sauta vivement de la chaise où il était prudemment resté pendant la scène que nous venons de décrire, et, saisissant d’une main, par sa chevelure verte, la carotte que Tom tenait par la racine, il se roidit de toutes ses forces, grimaçant, jurant, claquant des dents, tandis que, de la patte qui lui restait libre, il allongeait force soufflets sur le nez de son pacifique antagoniste, qui, sans riposter, mais aussi sans lâcher l’objet en litige, se contentait de coucher ses oreilles sur son cou, de fermer ses petits yeux noirs chaque fois que la main agile de Jacques se mettait en contact avec sa grosse figure ; enfin la victoire resta, comme la chose arrive ordinairement, non pas au plus fort, mais au plus effronté. Tom desserra les