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s’étaient écoulés ; les uns étaient morts de leurs blessures, les autres de faim, quelques-uns de chaud ; si bien qu’il était temps, comme on le voit, que le capitaine Pamphile pensât à sa marchandise, car elle commençait à s’avarier.

Le capitaine Pamphile parcourut les rangs des prisonniers, accompagné du docteur, touchant lui-même les malades, examinant les blessures, assistant au pansement, séparant les mauvais des bons, comme fera l’ange au jour du jugement dernier ; puis, cette visite faite, il passa au recensement : il restait deux cent trente nègres en excellent état.

Et ceux-là, on pouvait le dire, c’étaient des hommes éprouvés : ils avaient résisté au combat, à la marche et à la faim. On pouvait les vendre et les acheter de confiance, il n’y avait plus de déchet à craindre : aussi le capitaine fut si content de son marché, qu’il fit cadeau à Outavari d’une pipe d’eau-de-vie et de douze aunes de tabac en carotte. En échange de cette civilité, le chef des Petits-Namaquois lui prêta huit grandes barques pour conduire tous ses prisonniers ; et, montant lui-même avec sa famille et les plus grands de son royaume dans la chaloupe du capitaine, il voulut l’accompagner jusqu’à son bâtiment.

Le capitaine fut reçu par les matelots restés à bord avec une joie qui donna au chef des Petits-Namaquois une haute idée de l’amour qu’inspirait le digne marin à ses subordonnés ; puis, comme le capitaine était, avant tout, un homme d’ordre, qu’aucune émotion ne pouvait dis-