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lit laisser à sa serviette la peau de son visage. Enfin les ornements étrangers disparurent, et, à force de frotter, notre digne marin se trouva réduit à ses ornements personnels ; il se regarda alors dans une petite glace, et, si peu amoureux qu’il fût de sa personne, il éprouva un certain plaisir à se revoir tel qu’il s’était toujours connu.

Cette première transformation accomplie, le reste devint la chose la plus facile du monde : le capitaine Pamphile ouvrit sa malle, enfila son pantalon rayé en long, passa son gilet rayé en travers, endossa sa redingote de bouracan rayée en croix, décrocha son chapeau de paille du champignon où il était suspendu, roula sa ceinture rouge autour de son corps, passa ses pistolets garnis en argent dans sa ceinture, éteignit la lumière, et remonta sur le pont ; il le retrouva dans la même solitude et le même silence. Double-Bouche était toujours invisible, comme s’il eût possédé l’anneau de Gigès, et qu’il en eût tourné le chaton en dedans.

Heureusement que le capitaine Pamphile connaissait les habitudes de son subordonné, et qu’il savait où le trouver lorsqu’il n’était pas où il devait être. En effet, il s’avança sans hésitation vers l’escalier de la cuisine, descendit avec précaution les marches criardes, et, à travers la porte entr’ouverte, aperçut Double-Bouche occupé des préparatifs de son souper, et se faisant cuire un morceau de morue fraîche à la maître d’hôtel.

Il paraît qu’au moment où le capitaine arriva, le poisson était arrivé à un degré de cuisson convenable ; car Double-Bouche acheva de mettre son couvert,