j’en ai échangé la moitié contre de l’eau-de-feu, et l’autre moitié contre cette montre.
— J’ai deux fils, continua la vieille en posant la viande et l’eau-de-vie sur la table, qui chassent depuis dix ans le buffle et le castor, et jamais ils n’ont porté assez de peaux à la ville pour revenir avec une chaîne pareille. Mon fils a dit qu’il avait faim et soif, continua-t-elle, mon fils peut boire et manger.
— Mon frère des prairies ne soupe-t-il pas ? dit le capitaine Pamphile s’adressant au jeune Sioux et approchant son escabeau de la table.
— La douleur nourrit, répondit le jeune chasseur sans faire un seul mouvement ; je n’ai ni faim ni soif ; j’ai sommeil et je vais dormir ; que le Grand Esprit garde mon frère !
— Combien mon fils a-t-il donné de peaux de castors pour cette montre ? interrompit la vieille revenant à son sujet favori.
— Cinquante, répondit à tout hasard le capitaine Pamphile en attaquant bravement un filet de buffle.
— J’ai ici dix peaux d’ours et vingt peaux de castor ; je les donne à mon fils rien que pour la chaîne.
— La chaîne tient à la montre, répondit le capitaine, on ne peut pas les séparer ; d’ailleurs, je désire ne me défaire ni de l’une ni de l’autre.
— C’est bien, dit la vieille avec un sourire de sorcière, que mon fils les garde !… Tout homme vivant est maître de son bien. Il n’y a que les morts qui n’ont rien à eux.
Le capitaine Pamphile jeta un coup d’œil rapide sur le