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glissaient obliquement les premiers rayons du soleil. Le capitaine Pamphile n’était pas dévot de sa nature ; cependant, comme tous les marins, il avait ce sentiment de la grandeur et de la puissance de Dieu que développe la vue éternelle de l’Océan au fond de l’âme de ceux qui labourent incessamment ses immenses solitudes ; son premier mouvement fut donc une action de grâces à celui qui tient le monde dans sa main, que le monde s’endorme ou s’éveille : puis, après un instant de contemplation instinctive, il abaissa ses regards du ciel vers la terre, et, au premier coup d’œil, toutes les impressions de la nuit lui furent expliquées.

À vingt pas tout autour du chêne, la terre était écorchée par les griffes impatientes des loups, comme si une charrue y eût passé, tandis qu’au pied de l’arbre, un de ces animaux, brisé et sans forme, sortait aux deux tiers de la gueule d’un immense boa, dont la queue s’enroulait autour du tronc de l’arbre, à la hauteur de sept ou huit pieds. Le capitaine Pamphile s’était trouvé entre deux dangers qui s’étaient détruits l’un par l’autre : sous ses pieds les loups, sur sa tête un serpent ; ce sifflement qu’il avait entendu, ce froid qu’il avait ressenti, ces anneaux qui l’avaient étouffé, c’était le sifflement, le froid et les anneaux du reptile, dont l’aspect avait fait fuir les animaux carnassiers qui l’assiégeaient ; un seul, arrêté par les étreintes mortelles du monstre, avait été broyé dans ses replis ; ce mouvement de l’arbre qu’avait senti le capitaine, c’étaient les secousses de son agonie ; puis le serpent vainqueur avait commencé d’engloutir son ad-