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sur le plancher, qu’elle me donna une preuve de son originalité en piquant droit vers la cheminée avec une rapidité qui lui valut à l’instant même le nom de Gazelle, et en faisant tous ses efforts pour passer entre les branches du garde-cendre, afin d’arriver jusqu’au feu, dont la lueur l’attirait ; enfin, voyant, au bout d’une bonne heure, que ce qu’elle désirait était impossible, elle prit le parti de s’endormir, après avoir préalablement passé sa tête et ses pattes par l’une des ouvertures les plus rapprochées du foyer, choisissant ainsi, pour son plaisir particulier, une température de cinquante à cinquante-cinq degrés de chaleur, à peu près ; ce qui me fit croire que, soit vocation, soit fatalité, elle était destinée à être rôtie un jour ou l’autre, et que je n’avais fait que changer son mode de cuisson en la retirant du pot-au-feu de mon Anglais pour la transporter dans ma chambre. La suite de cette histoire prouvera que je ne m’étais pas trompé.

Comme j’étais obligé de sortir et que je craignais qu’il n’arrivât malheur à Gazelle, j’appelai mon domestique.

— Joseph, lui dis-je, lorsqu’il parut, vous prendrez garde à cette bête.

Il s’en approcha avec curiosité.

— Ah ! tiens, dit-il, c’est une tortue… Ça porte une voiture.

— Oui, je le sais ; mais je désire qu’il ne vous en prenne jamais l’envie d’en faire l’expérience.

— Oh ! ça ne lui ferait pas de mal, reprit Joseph, qui tenait à déployer devant moi ses connaissances en histoire naturelle ; la diligence de Laon passerait sur son dos, qu’elle ne l’écraserait pas.