Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lait pas qu’à mesure qu’il s’enfonçait dans l’intérieur des terres, il s’éloignait de Marseille, et que son évasion devenait plus difficile : il ramait donc avec une nonchalance que le grand chef ne lui avait pas encore vue, mais qu’il lui pardonnait en faveur de ses antécédents, lorsque tout à coup ses yeux se fixèrent sur l’horizon, sa pagaie resta immobile ; de sorte que, comme le matelot qui lui était opposé, continuait de ramer, le canot fit deux tours sur lui-même.

— Qu’y a-t-il ? dit le Serpent-Noir se soulevant du fond de la barque où il était couché, et ôtant son calumet de sa bouche.

— Il y a, répondit le capitaine Pamphile en étendant la main vers le sud, ou que je ne me connais plus en navigation, ou que nous allons avoir un orage un peu drôle.

— Et où mon frère voit-il quelque signe que Dieu ait dit à la tempête : « Souffle et détruis ? »

— Pardieu ! répondit le capitaine, dans ce nuage qui nous arrive noir comme de l’encre.

— Mon frère a des yeux de taupe, reprit le chef ; ce qu’il aperçoit n’est point un nuage.

— Farceur ! dit le capitaine Pamphile.

— Le Serpent-Noir a des yeux d’aigle, répondit le chef ; que l’homme blanc attende, et il jugera.

En effet, ce prétendu nuage s’avançait avec une promptitude et une intensité que le capitaine n’avait jamais remarquée dans aucun nuage véritable, quel que fût le vent qui le poussât ; au bout de trois secondes, notre digne marin, si confiant dans son expérience, en