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me parut-elle si douteuse, que je me décidai à me coucher tout habillé.

Le lendemain, au point du jour, nous fîmes seller nos mules, et nous partîmes pour le Pizzo. En arrivant au haut de la chaîne de montagnes qui courait à notre gauche, nous retrouvâmes la mer, et, assise au bord du rivage, la ville historique que nous venions y chercher.

Mais ce qu’à notre grand regret nous cherchâmes inutilement dans le port, ce fut notre speronare. En effet, en consultant la fumée de Stromboli, qui s’élevait à une trentaine de milles devant nous au milieu de la mer, nous vîmes que le vent n’avait point changé et venait du nord.

Par un étrange hasard, nous entrions au Pizzo le jour du vingtième anniversaire de la mort de Murat.


LE PIZZO.

Il y a certaines villes inconnues où il arrive tout à coup de ces catastrophes si inattendues, si retentissantes et si terribles, que leur nom devient tout à coup un nom européen, et qu’elles s’élèvent au milieu du siècle comme un de ces jalons historiques plantés par la main de Dieu pour l’éternité : tel est le sort du Pizzo. Sans annales dans le passé et probablement sans histoire dans l’avenir, il vit de son illustration d’un jour, et est devenu une des stations homériques de l’Iliade napoléonienne.

On n’ignore pas, en effet, que c’est dans la ville du Pizzo que Murat vint se faire fusiller, là que cet autre Ajax trouva une mort obscure et sanglante, après avoir cru un instant que, lui aussi, il échapperait malgré les dieux.