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faisait pousser une exclamation de surprise à maître Térence, c’est que, quoique les points se succédassent avec une rapidité à laquelle lui-même ne comprenait rien, le fil restait toujours de la même longueur ; si bien qu’avec ce fil, il pouvait, sans avoir besoin de renfiler son aiguille, achever, non-seulement les culottes du vieillard , mais encore coudre toutes les culottes du royaume des Deux-Siciles. Ce phénomène lui donna à penser, et pour la première fois il lui vint à l’idée que le petit vieillard qui était devant lui pourrait bien ne pas être ce qu’il paraissait.

— Diable ! diable ! fit-il tout en tirant son aiguille plus rapidement qu’il n’avait fait encore.

Mais cette fois, probablement, le vieillard saisit la nuance de doute qui se trouvait dans la voix de maître Térence, et aussitôt, empoignant la bouteille au collet :

— Encore une goutte de cet élixir, mon maître, dit-il en remplissant le verre de Térence.

— Volontiers, répondit le tailleur, qui avait trouvé la liqueur trop superfine pour ne pas y revenir avec plaisir ; et il avala le second verre avec la même sensualité que le premier.

— Voilà de fameux rosolio, dit-il ; où diable se fait-il ?

Gomme ces paroles avaient été dites avec un tout autre accent que celles qui avaient inquiété le petit vieillard, ses yeux se remirent à briller, sa bouche se refendit, et l’on entendit de nouveau ce singulier frôlement qu’avait déjà remarqué le tailleur.

Mais cette fois maître Térence était loin de s’en inquiéter ; l’effet de la liqueur avait été plus souverain encore que la première fois, et l’étranger qu’il avait sous les yeux lui paraissait, quel qu’il fût, venu dans l’intention de lui rendre un trop grand service pour qu’il le chicanât sur l’endroit d’où il venait.

— Où l’on fait cette liqueur ? dit l’étranger.

— Où ? demanda Térence.

— Eh bien ! dans l’endroit même où je compta emmener ta femme.

Térence cligna de l’œil et regarda le vieillard d’un air qui