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BECHER.

avec la raison et l’expérience. Aux uns, il faut des aliments sucrés ; à d’autres, des acides ; ceux-ci préfèrent l’amertume. Il est des gens qui se plaisent aux élans de la gaieté, d’autres recherchent les émotions de la tristesse. Ceux-ci sont passionnés pour la musique ; à ceux-là elle n’offre aucun attrait. Mais qui croirait qu’il existe un goût, auquel il faut sacrifier son honneur, sa santé, sa fortune, son temps, et même sa vie ? Ce sont donc des fous qui s’y livrent, direz-vous ? Non. Ce sont seulement des individus d’un genre excentrique, hétéroclite, hétérogène, anomal ; ce sont les chimistes :

Gens macérés dans l’eau de pluie,
Flairant de loin l’odeur de suie,
Flambés, roussis ou rissolés
Et par leur fumée aveugles ;

comme-il le dit en vers latins que je traduis librement.

D’où lui vient une humeur si noire ? Hélas ! nous le voyons d’abord premier médecin de l’électeur de Mayence, puis de celui de Bavière, et ensuite en butte à mille attaques près de l’empereur, poursuivi à outrance, et forcé de se réfugier d’abord en Hollande, puis en Angleterre. L’envie des courtisans, les persécutions que son insupportable vanité lui suscitait partout ont fait de Becher l’un des hommes les plus malheureux qui aient existé. Et pourtant