Page:Dumas - Leçons sur la philosophie chimique, 1878.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
193
LAVOISIER.

avait rendus au monde, il me reste à remplir une tâche bien douloureuse : il me reste à vous exposer comment cette vie si belle, si pure, fut brusquement tranchée. Vous ne pouvez vous faire une idée de l’émotion qu’on éprouve quand on a parcouru, comme je viens de le faire, ses Mémoires, l’honneur de la France, quand on a suivi, pas à pas, cette existence si pleine, si dévouée aux sciences et au bien public, vous ne pouvez, dis-je, vous faire une idée de l’émotion qui saisit au cœur, quand on ouvre l’ouvrage dont il s’occupait au moment de sa mort. Sa théorie était complète alors, mais il avait besoin de la résumer, d’en présenter les bases fondamentales à la postérité. Ce besoin était devenu plus impérieux que jamais, car à cette époque, par un de ces retours dont vous avez vu plus d’un exemple, la théorie de Lavoisier n’était plus celle de Lavoisier, c’était celle des chimistes français. On confondait l’établissement de la nomenclature avec la découverte des faits et l’invention des idées qu’elle représente. Ainsi Lavoisier, après avoir vu sa doctrine contestée sous le rapport de l’invention, la voyait encore s’échapper de ses mains par un partage auquel tous les chimistes de son temps étaient appelés.

Ce nouveau coup lui fut très-pénible. « Cette théorie n’est pas, comme je l’entends dire, celle des chimistes français, elle est la mienne, s’écrie-t-il,