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s’était prise d’amour pour les souffrances de Jésus-Christ.

C’était le point où messire Gualberti voulait l’amener. Lorsqu’il le vit arrivé à cet état d’exaltation guerrière, il lui fit faire une armure complète pour sa taille ; il l’habitua à en supporter peu à peu le poids, d’abord pendant quelques instans, ensuite pendant des journées tout entières. Comme il était un maître habile en fait d’armes, il exerça chaque matin son élève à la lance, à l’épée et à la hache. Il lui fit monter successivement tous ses destriers, depuis le cheval le plus doux jusqu’au cheval le plus emporté de ses écuries. À l’âge de quinze ans, Giovanni non-seulement avait acquis toutes les qualités guerrières de son frère, mais encore, soumis régulièrement chaque jour à un exercice qui avait développé ses forces, il était devenu vigoureux comme un homme de trente ans.

Pendant tout ce temps, messire Gualberti n’était pas revenu une seule fois à Florence, et n’avait quitté son château que pour faire, avec son fils, et toujours suivi d’une escorte nombreuse et bien armée, de petites courses dans les environs : aussi avait-on complètement oublié qu’il s’appelait messire Gualberti, et on ne l’appelait plus, comme nous l’avons déjà dit, que le chevalier de Petrojo.

En outre, tous les matins, le chapelain disait une messe basse pour l’âme de messire Hugo Gualberti, traîtreusement assassiné ; et tous les matins le père, la mère et le frère du défunt assistaient à cette messe, mêlant leurs prières à celles de l’homme de Dieu ; puis, le jour anniversaire de l’assassinat, on tendait la chapelle de noir, et l’on disait une grand’messe, qu’entendaient non-seulement les assistans habituels, mais tous les paysans qui relevaient du domaine de Petrojo.

Giovanni avait donc atteint l’âge de quinze ans. Son père, qui avait vu s’opérer un grand changement dans son corps, remarqua qu’il se faisait un changement non moins grand dans son esprit : le jeune homme paraissait, chaque matin, en écoutant la messe mortuaire, en proie à des idées plus sombres que la veille. Après la messe il demeurait pensif toute la journée. Souvent son père le surprenait dans la salle d’armes, où il passait la moitié de sa vie, non pas maniant des épées ou des haches ordinaires, mais s’exer-