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— Ne vous inquiétez pas de moi plus que je ne m’en inquiète, dit brusquement le prince. — Allez.

L’officier partit avec une rapidité qui témoignait bien moins de son obéissance que de la joie de n’assister point au hideux assassinat du second des frères.

Il n’avait point fermé la porte de la chambre que Jean, qui par un effort suprême avait gagné le perron d’une maison située presqu’en face de celle où était caché son élève, chancela sous les secousses qu’on lui imprimait de dix côtés à la fois en disant :

— Mon frère, où est mon frère ?

Un de ces furieux lui jeta bas son chapeau d’un coup de poing.

Un autre lui montra le sang qui teignait ses mains, celui-là venait d’éventrer Corneille, et il accourait pour ne point perdre l’occasion d’en faire autant au grand pensionnaire, tandis que l’on traînait au gibet le cadavre de celui qui était déjà mort.

Jean poussa un gémissement lamentable et mit une de ses mains sur ses yeux.

— Ah ! tu fermes les yeux, dit un des soldats de la garde bourgeoise, eh bien je vais te les crever, moi !

Et il lui poussa dans le visage un coup de pique sous lequel le sang jaillit.

— Mon frère ! cria de Witt essayant de voir ce qu’était devenu Corneille, à travers le flot de sang qui l’aveuglait : mon frère !

— Va le rejoindre ! hurla un autre assassin en lui appliquant son mousquet sur la tempe et en lâchant la détente.

Mais le coup ne partit point.