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L’officier poussa un faible cri et détourna la tête.

C’est que, sur le dernier degré du marchepied, avant même qu’il eût touché la terre, le Ruart venait de recevoir un coup de barre de fer qui lui avait brisé la tête.

Il se releva cependant, mais pour retomber aussitôt.

Puis des hommes le prenant par les pieds, le tirèrent dans la foule, au milieu de laquelle on put suivre le sillage sanglant qu’il y traçait et qui se refermait derrière lui avec de grandes huées pleines de joies.

Le jeune homme devint plus pâle encore, ce qu’on eût cru impossible, et son œil se voila un instant sous sa paupière.

L’officier vit ce mouvement de pitié, le premier que son sévère compagnon eût laissé échapper, et voulant profiter de cet amollissement de son âme,

— Venez, venez, monseigneur, dit-il, car voilà qu’on va assassiner aussi le grand pensionnaire.

Mais le jeune homme avait déjà ouvert les yeux.

— En vérité ! dit-il. Ce peuple est implacable. Il ne fait pas bon le trahir.

— Monseigneur, dit l’officier, est-ce qu’on ne pourrait pas sauver ce pauvre homme, qui a élevé Votre Altesse ? S’il y a un moyen, dites-le, et dussé-je y perdre la vie…

Guillaume d’Orange, car c’était lui, plissa son front d’une façon sinistre, éteignit l’éclair de sombre fureur qui étincelait sous sa paupière et répondit :

— Colonel van Deken, allez, je vous prie, trouver mes troupes, afin qu’elles prennent les armes à tout événement.

— Mais laisserai-je donc monseigneur seul ici, en face de ces assassins ?