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Boxtel se trouva donc seul à seul avec la tulipe.

Un voleur ordinaire eût mit le pot sous son bras et l’eût emporté.

Mais Boxtel n’était point un voleur ordinaire et il réfléchit.

Il réfléchit en regardant la tulipe, à l’aide de sa lanterne sourde, qu’elle n’était pas encore assez avancée pour lui donner la certitude qu’elle fleurirait noire, quoique les apparences offrissent toute probabilité.

Il réfléchit que si elle ne fleurissait pas noire, ou que, si elle fleurissait avec une tache quelconque, il aurait fait un vol inutile.

Il réfléchit que le bruit de ce vol se répandrait, que l’on soupçonnerait le voleur, d’après ce qui s’était passé dans le jardin, que l’on ferait des recherches, et que, si bien qu’il cachât la tulipe, il serait possible de la retrouver.

Il réfléchit que, cachât-il la tulipe de façon à ce qu’elle ne fût pas retrouvée, il pourrait, dans tous les transports qu’elle serait obligée de subir, lui arriver malheur.

Il réfléchit enfin que mieux valait, puisqu’il avait une clef de la chambre de Rosa et pouvait y entrer quand il voulait, il réfléchit qu’il valait mieux attendre la floraison, la prendre une heure avant qu’elle s’ouvrît, ou une heure après qu’elle serait ouverte, et partir à l’instant même sans retard pour Harlem, où, avant qu’on eût même réclamé, la tulipe serait devant les juges.

Alors, ce serait celui ou celle qui réclamerait que Boxtel accuserait de vol.

C’était un plan bien conçu et digne en tout point de celui qui le concevait.

Ainsi tous les soirs, pendant cette douce heure que les