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— Il faudrait d’abord que vous les tinssiez, maître Gryphus, dit van Baerle. Vous ne voulez pas que ce soit mes pigeons ; ils sont encore bien moins les vôtres, je vous jure, qu’ils ne sont les miens.

— Ce qui est différé n’est pas perdu, maugréa le geôlier, et pas plus tard que demain, je leur tordrai le cou.

Et, tout en faisant cette méchante promesse à Cornélius, Gryphus se pencha en dehors pour examiner la structure du nid. Ce qui donna le temps à van Baerle de courir à la porte et de serrer la main de Rosa, qui lui dit :

— À neuf heures ce soir.

Gryphus, tout occupé du désir de prendre dès le lendemain les pigeons comme il avait promis de le faire, ne vit rien, n’entendit rien, et comme il avait fermé la fenêtre, il prit sa fille par le bras, sortit, donna un double tour à la serrure, poussa les verrous, et alla faire les mêmes promesses à un autre prisonnier.

À peine eut-il disparu, que Cornélius s’approcha de la porte pour écouter le bruit décroissant des pas, puis, lorsqu’il se fut éteint, il courut à la fenêtre et démolit de fond en comble le nid des pigeons.

Il aimait mieux les chasser à tout jamais de sa présence que d’exposer à la mort les gentils messagers auxquels il devait le bonheur d’avoir revu Rosa.

Cette visite du geôlier, ses menaces brutales, la sombre perspective de sa surveillance dont il connaissait les abus, rien de tout cela ne put distraire Cornélius des douces pensées et surtout du doux espoir que la présence de Rosa venait de ressusciter dans son cœur.

Il attendit impatiemment que neuf heures sonnassent au donjon de Loewestein.