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Vers quatre heures, on entendit le bruit qui revenait, mais ce bruit n’avait rien d’inquiétant pour Gryphus et pour sa fille. Ce bruit, c’était celui des cadavres que l’on traînait et que l’on revenait pendre à la place accoutumée des exécutions.

Rosa, cette fois encore, se cacha, mais c’était pour ne pas voir l’horrible spectacle.

À minuit, on frappa à la porte du Buytenhof, ou plutôt à la barricade qui la remplaçait.

C’était Cornélius van Baerle que l’on amenait.

Quand le geôlier Gryphus reçut le nouvel hôte et qu’il eut vu sur la lettre d’écrou la qualité du prisonnier :

— Filleul de Corneille de Witt, murmura-t-il avec son sourire de geôlier ; ah, jeune homme, nous avons justement ici la chambre de famille ; nous allons vous la donner.

Et enchanté de la plaisanterie qu’il venait de faire, le farouche orangiste prit son falot et les clefs pour conduire Cornélius dans la cellule qu’avait le matin même quittée Corneille de Witt pour l’exil tel que l’entendent en temps de révolution ces grands moralistes qui disent comme un axiome de haute politique :

— Il n’y a que les morts qui ne reviennent pas.

Gryphus se prépara donc à conduire le filleul dans la chambre du parrain.

Sur la route qu’il fallait parcourir pour arriver à cette chambre, le désespéré fleuriste n’entendit rien que l’aboiement d’un chien, ne vit rien que le visage d’une jeune fille.

Le chien sortit d’une niche creusée dans le mur, en secouant une grosse chaîne, et il flaira Cornélius afin de le