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LA REINE MARGOT.

— À vous, à vous ! à vous qui avez des arquebuses, s’écria Coconnas.

— Ma foi, non, dit Maurevel ; je garde ma poudre pour meilleur gibier.

— À vous, La Hurière.

— Attendez, attendez, dit l’aubergiste en ajustant.

— Ah ! oui, attendez, s’écria Coconnas ; et en attendant il va se sauver.

Et il s’élança à la poursuite du malheureux qu’il eut bientôt rejoint, car il était déjà blessé. Mais au moment où, pour ne pas le frapper par derrière, il lui criait : « Tourne, mais tourne donc ! » un coup d’arquebuse retentit, une balle siffla aux oreilles de Coconnas, et le fugitif roula comme un lièvre atteint dans sa course la plus rapide par le plomb du chasseur.

Un cri de triomphe se fit entendre derrière Coconnas ; le Piémontais se retourna, et vit La Hurière agitant son arme.

— Ah ! cette fois, s’écria-t-il, j’ai étrenné au moins.

— Oui, mais vous avez manqué me percer d’outre en outre moi.

— Prenez garde, mon gentilhomme, prenez garde, cria La Hurière.

Coconnas fit un bond en arrière. Le blessé s’était relevé sur un genou, et, tout entier à la vengeance, il allait percer Coconnas de son poignard au moment même où l’avertissement de son hôte avait prévenu le Piémontais.

— Ah ! vipère ! s’écria Coconnas.

Et, se jetant sur le blessé, il lui enfonça trois fois son épée jusqu’à la garde dans la poitrine.

— Et maintenant, s’écria Coconnas laissant le huguenot se débattre dans les convulsions de l’agonie, chez l’amiral ! chez l’amiral !

— Ah ! ah ! mon gentilhomme, dit Maurevel, il paraît que vous y mordez.

— Ma foi, oui, dit Coconnas. Je ne sais pas si c’est l’odeur de la poudre qui me grise ou la vue du sang qui m’excite, mais, mordi ! je prends goût à la tuerie. C’est comme qui dirait une battue à l’homme. Je n’ai encore fait que des battues à l’ours ou au loup, et sur mon honneur la battue à l’homme me paraît plus divertissante.

Et tous trois reprirent leur course.