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LA REINE MARGOT.

de main. Je suis en malheur ce soir, et je craindrais de m’embarrasser.

— Fort bien, Monsieur, fort bien, dit La Mole ; à votre aise. D’ailleurs, je ne suis point fâché de me jeter un instant sur mon lit. Maître La Hurière !…

— Monsieur le comte ?

— Si l’on venait me chercher de la part du roi de Navarre, vous me réveilleriez. Je serai tout habillé, et par conséquent vite prêt.

— C’est comme moi, dit Coconnas ; pour ne pas faire attendre Son Altesse un seul instant, je vais me préparer le signe. Maître La Hurière, donnez-moi des ciseaux et du papier blanc.

— Grégoire ! cria La Hurière, du papier blanc pour écrire une lettre, des ciseaux pour en tailler l’enveloppe !

— Ah çà, décidément, se dit à lui-même le Piémontais, il se passe ici quelque chose d’extraordinaire.

— Bonsoir, monsieur de Coconnas ! dit La Mole. Et vous, mon hôte, faites-moi l’amitié de me montrer le chemin de ma chambre. Bonne chance, notre ami !

Et La Mole disparut dans l’escalier tournant, suivi de La Hurière. Alors l’homme mystérieux saisit à son tour le bras de Coconnas, et, l’attirant à lui, il lui dit avec volubilité :

— Monsieur, vous avez failli révéler cent fois un secret duquel dépend le sort du royaume. Dieu a voulu que votre bouche fût fermée à temps. Un mot de plus, et j’allais vous abattre d’un coup d’arquebuse. Maintenant nous sommes seuls, heureusement, écoutez.

— Mais qui êtes-vous, pour me parler avec ce ton de commandement ? demanda Coconnas.

— Avez-vous, par hasard, entendu parler du sire de Maurevel ?

— Le meurtrier de l’amiral ?

— Et du capitaine de Mouy.

— Oui, sans doute.

— Eh bien ! le sire de Maurevel, c’est moi.

— Oh ! oh ! fit Coconnas.

— Écoutez-moi donc.

— Mordi ! je le crois bien, que je vous écoute.

— Chut ! fit le sire de Maurevel en portant son doigt à sa bouche.