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LA REINE MARGOT.

Catherine se rapprocha.

— Venez, monsieur le comte, dit-elle à Tavannes, qui caressait la pie-grièche du roi, et dites au roi ce qu’à votre avis il faut faire.

— Votre Majesté me permet-elle ? demanda le comte.

— Dis, Tavannes ! dis.

— Que fait Votre Majesté à la chasse quand le sanglier revient sur elle ?

— Mordieu ! Monsieur, je l’attends de pied ferme, dit Charles IX, et je lui perce la gorge avec mon épieu.

— Uniquement pour l’empêcher de vous nuire, ajouta Catherine.

— Et pour m’amuser, dit le roi avec un soupir qui indiquait le courage poussé jusqu’à la férocité ; mais je ne m’amuserais pas à tuer mes sujets, car, enfin, les huguenots sont mes sujets aussi bien que les catholiques.

— Alors, sire, dit Catherine, vos sujets les huguenots feront comme le sanglier à qui on ne met pas un épieu dans la gorge : ils découdront le trône.

— Bah ! vous croyez, Madame, dit le roi d’un air qui indiquait qu’il n’ajoutait pas grande foi aux prédictions de sa mère.

— Mais n’avez-vous pas vu aujourd’hui M. de Mouy et les siens ?

— Oui, je les ai vus, puisque je les quitte ; mais que m’a-t-il demandé qui ne soit pas juste ? Il m’a demandé la mort du meurtrier de son père et de l’assassin de l’amiral ! Est-ce que nous n’avons pas puni M. de Montgommery de la mort de mon père et de votre époux, quoique cette mort fût un simple accident ?

— C’est bien, sire, dit Catherine piquée, n’en parlons plus. Votre Majesté est sous la protection du Dieu qui lui donna la force, la sagesse et la confiance ; mais moi, pauvre femme, que Dieu abandonne sans doute à cause de mes péchés, je crains et je cède.

Et sur ce, Catherine salua une seconde fois et sortit, faisant signe au duc de Guise, qui sur ces entrefaites était entré, de demeurer à sa place pour tenter encore un dernier effort.

Charles IX suivit des yeux sa mère, mais sans la rappeler cette fois ; puis il se mit à caresser ses chiens en sifflant un air de chasse.