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LA REINE MARGOT.

— Franche et loyale, répondit la reine.

Alors le Béarnais marcha vers la porte, attirant du regard Marguerite comme fascinée. Puis, lorsque la portière fut retombée entre eux et la chambre à coucher :

— Merci Marguerite, dit vivement Henri à voix basse, merci ! Vous êtes une vraie fille de France. Je pars tranquille. À défaut de votre amour, votre amitié ne me fera pas défaut. Je compte sur vous, comme de votre côté vous pouvez compter sur moi. Adieu, Madame.

Et Henri baisa la main de sa femme en la pressant doucement ; puis, d’un pas agile, il retourna chez lui en se disant tout bas dans le corridor :

— Qui diable est chez elle ? Est-ce le roi, est-ce le duc d’Anjou, est-ce le duc d’Alençon, est-ce le duc de Guise, est-ce un frère, est-ce un amant, est-ce l’un et l’autre ? En vérité, je suis presque fâché d’avoir demandé maintenant ce rendez-vous à la baronne ; mais puisque je lui ai engagé ma parole et que Dariole m’attend… n’importe ; elle perdra un peu, j’en ai peur, à ce que j’aie passé par la chambre à coucher de ma femme pour aller chez elle, car, ventre-saint-gris ! cette Margot, comme l’appelle mon beau-frère Charles IX est une adorable créature.

Et d’un pas dans lequel se trahissait une légère hésitation Henri de Navarre monta l’escalier qui conduisait à l’appartement de madame de Sauve.

Marguerite l’avait suivi des yeux jusqu’à ce qu’il eût disparu, et alors elle était rentrée dans sa chambre. Elle trouva le duc à la porte du cabinet : cette vue lui inspira presque un remords.

De son côté le duc était grave, et son sourcil froncé dénonçait une amère préoccupation.

— Marguerite est neutre aujourd’hui, dit-il, Marguerite sera hostile dans huit jours.

— Ah ! vous avez écouté ? dit Marguerite.

— Que vouliez-vous que je fisse dans ce cabinet ?

— Et vous trouvez que je me suis conduite autrement que devait se conduire la reine de Navarre ?

— Non, mais autrement que devait se conduire la maîtresse du duc de Guise.

— Monsieur, répondit la reine, je puis ne pas aimer mon mari, mais personne n’a le droit d’exiger de moi que je le

T.I.
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