Page:Dumas - La Reine Margot (1886).djvu/276

Cette page a été validée par deux contributeurs.
268
LA REINE MARGOT.

— Eh ! par la rue Cloche-Percée, pardieu !

— Non. Je ne dis pas de la maison là-bas…

— Et d’où ?

— De chez la reine.

— De chez la reine ?…

— De chez la reine de Navarre.

— Je n’y suis pas entré.

— Allons donc !

— Mon cher Annibal, dit La Mole, tu déraisonnes. Je sors de ma chambre, où je t’attends depuis deux heures.

— Tu sors de ta chambre ?

— Oui.

— Ce n’est pas toi que j’ai poursuivi sur la place du Louvre ?

— Quand cela ?

— À l’instant même.

— Non.

— Ce n’est pas toi qui as disparu sous le guichet il y a dix minutes ?

— Non.

— Ce n’est pas toi qui viens de monter cet escalier comme si tu étais poursuivi par une légion de diables ?

— Non.

— Mordi ! s’écria Coconnas, le vin de la Belle-Étoile n’est point assez méchant pour m’avoir tourné à ce point la tête. Je te dis que je viens d’apercevoir ton manteau cerise et ta plume blanche sous le guichet du Louvre, que j’ai poursuivi l’un et l’autre jusqu’au bas de cet escalier, et que ton manteau, ton plumeau, tout, jusqu’à ton bras qui fait le balancier, était attendu ici par une dame que je soupçonne fort d’être la reine de Navarre, laquelle a entraîné le tout par cette porte qui, si je ne me trompe, est bien celle de la belle Marguerite.

— Mordieu ! dit La Mole en pâlissant, y aurait-il déjà trahison ?

— À la bonne heure ! dit Coconnas. Jure tant que tu voudras, mais ne me dis plus que je me trompe.

La Mole hésita un instant, serrant sa tête entre ses mains et retenu entre son respect et sa jalousie ; mais sa jalousie l’emporta, et il s’élança vers la porte, à laquelle il commença à heurter de toutes ses forces, ce qui produisit un vacarme