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LA REINE MARGOT.

René la précéda, et, quelques instants après, tous deux se trouvèrent dans la boutique du parfumeur.

— Tu m’avais promis de nouveaux cosmétiques pour mes mains et pour mes lèvres, René, dit-elle ; voici l’hiver, et tu sais que j’ai la peau fort sensible au froid.

— Je m’en suis déjà occupé, Madame, et je vous les porterai demain.

— Demain soir tu ne me trouverais pas avant neuf ou dix heures. Pendant la journée je fais mes dévotions.

— Bien, Madame, je serai au Louvre à neuf heures.

— Madame de Sauve a de belles mains et de belles lèvres, dit d’un ton indifférent Catherine ; et de quelle pâte se sert-elle ?

— Pour ses mains ?

— Oui, pour ses mains d’abord.

— De pâte à l’héliotrope.

— Et pour ses lèvres ?

— Pour ses lèvres, elle va se servir du nouvel opiat que j’ai inventé et dont je comptais porter demain une boîte à Votre Majesté en même temps qu’à elle.

Catherine resta un instant pensive.

— Au reste, elle est belle, cette créature, dit-elle, répondant toujours à sa secrète pensée, et il n’y a rien d’étonnant à cette passion du Béarnais.

— Et surtout dévouée à Votre Majesté, dit René, à ce que je crois du moins.

Catherine sourit et haussa les épaules.

— Lorsqu’une femme aime, dit-elle, est-ce qu’elle est jamais dévouée à un autre qu’à son amant ! Tu lui as fait quelque philtre, René.

— Je vous jure que non, Madame.

— C’est bien ! n’en parlons plus. Montre-moi donc cet opiat nouveau dont tu me parlais, et qui doit lui faire les lèvres plus fraîches et plus roses encore.

René s’approcha d’un rayon et montra à Catherine six petites boîtes d’argent de la même forme, c’est-à-dire rondes, rangées les unes à côté des autres.

— Voilà le seul philtre qu’elle m’ait demandé, dit René ; il est vrai, comme le dit Votre Majesté, que je l’ai composé exprès pour elle, car elle a les lèvres si fines et si tendres, que le soleil et le vent les gercent également.