rappeler ses souvenirs, car il lui sembla avoir vu cette tête-là pendant un des moments de sa fièvre.
— Ton sauveur, mon cher ami, dit La Mole, celui qui t’a apporté au Louvre cette boisson rafraîchissante qui t’a fait tant de bien.
— Oh ! oh ! fit Coconnas ; en ce cas, mon ami…
Et il lui tendit la main.
Mais l’homme, au lieu de correspondre à cette avance par un geste pareil, se redressa, et, en se redressant, s’éloigna des deux amis de toute la distance qu’occupait la courbe de son corps.
— Monsieur, dit-il à Coconnas, merci de l’honneur que vous voulez bien me faire, mais il est probable que si vous me connaissiez vous ne me le feriez pas.
— Ma foi, dit Coconnas, je déclare que quand vous seriez le diable je me tiens pour votre obligé, car sans vous je serais mort à cette heure.
— Je ne suis pas tout à fait le diable, répondit l’homme au bonnet rouge ; mais souvent beaucoup aimeraient mieux voir le diable que de me voir.
— Qui êtes-vous donc ? demanda Coconnas.
— Monsieur, répondit l’homme, je suis maître Caboche, bourreau de la prévôté de Paris !…
— Ah !… fit Coconnas en retirant sa main.
— Vous voyez bien ! dit maître Caboche.
— Non pas ! je toucherai votre main, ou le diable m’emporte. Étendez-la…
— En vérité ?
— Toute grande.
— Voici !
— Plus grande… encore… bien !… Et Coconnas prit dans sa poche la poignée d’or préparée pour son médecin anonyme et la déposa dans la main du bourreau.
— J’aurais mieux aimé votre main toute seule, dit maître Caboche en secouant la tête, car je ne manque pas d’or ; mais de mains qui touchent la mienne, tout au contraire, j’en chôme fort. N’importe ! Dieu vous bénisse, mon gentilhomme.
— Ainsi donc, mon ami, dit Coconnas regardant avec curiosité le bourreau, c’est vous qui donnez la gêne, qui rouez, qui écartelez, qui coupez les têtes, qui brisez les os. Ah ! ah ! je suis bien aise d’avoir fait votre connaissance.