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LA REINE MARGOT.

pouvaient-elles donner aux yeux de tous une marque si publique d’intérêt à deux simples gentilshommes ? Non. C’était bien certainement la réponse que devaient se faire La Mole et Coconnas. Mais cette absence, qui tenait peut-être à un oubli total, n’en était pas moins douloureuse.

Il est vrai que le gentilhomme qui avait assisté au combat était venu de temps en temps, et comme de son propre mouvement, demander des nouvelles des deux blessés. Il est vrai que Gillonne, pour son propre compte, en avait fait autant ; mais La Mole n’avait point osé parler à l’une de Marguerite, et Coconnas n’avait point osé parler à l’autre de madame de Nevers.




XVIII

les revenants.


Pendant quelque temps les deux jeunes gens gardèrent chacun de son côté le secret enfermé dans sa poitrine. Enfin, dans un jour d’expansion, la pensée qui les préoccupait seule déborda de leurs lèvres, et tous deux corroborèrent leur amitié par cette dernière preuve, sans laquelle il n’y a pas d’amitié, c’est-à-dire par une confiance entière.

Ils étaient éperdument amoureux, l’un d’une princesse, l’autre d’une reine.

Il y avait pour les deux pauvres soupirants quelque chose d’effrayant dans cette distance presque infranchissable qui les séparait de l’objet de leurs désirs. Et cependant l’espérance est un sentiment si profondément enraciné au cœur de l’homme, que, malgré la folie de leur espérance, ils espéraient.

Tous deux, au reste, à mesure qu’ils revenaient à eux, soignaient fort leur visage. Chaque homme, même le plus indifférent aux avantages physiques, a, dans certaines circonstances, avec son miroir des conversations muettes, des signes d’intelligence, après lesquels il s’éloigne presque tou-