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LA REINE MARGOT.

— Mon frère, lui dit-elle, ce jeune gentilhomme, j’en réponds, sera utile à qui saura l’employer. Si vous l’acceptez pour vôtre, il trouvera en vous un maître puissant, et vous, en lui, un serviteur dévoué. En ces temps, il faut bien s’entourer, mon frère ! surtout, ajouta-t-elle en baissant la voix de manière que le duc d’Alençon l’entendît seul, quand on est ambitieux et que l’on a le malheur de n’être que troisième fils de France.

Elle mit un doigt sur sa bouche pour indiquer à François que, malgré cette ouverture, elle gardait encore à part en elle-même une portion importante de sa pensée.

— Puis, ajouta-t-elle, peut-être trouverez-vous, tout au contraire de Henri, qu’il n’est pas séant que ce jeune homme demeure si près de mon appartement.

— Ma sœur, dit vivement François, monsieur de La Mole, si cela lui convient toutefois, sera dans une demi-heure installé dans mon logis, où je crois qu’il n’a rien à craindre. Qu’il m’aime et je l’aimerai.

François mentait, car au fond de son cœur il détestait déjà La Mole.

— Bien, bien… je ne m’étais donc pas trompée ! murmura Marguerite, qui vit les sourcils du roi de Navarre se froncer. Ah ! pour vous conduire l’un et l’autre, je vois qu’il faut vous conduire l’un par l’autre.

Puis complétant sa pensée :

— Allons, allons, continua-t-elle, bien, Marguerite, dirait Henriette.

En effet, une demi-heure après, La Mole, gravement catéchisé par Marguerite, baisait le bas de sa robe et montait, assez lestement pour un blessé, l’escalier qui conduisait chez M. d’Alençon.

Deux ou trois jours s’écoulèrent pendant lesquels la bonne harmonie parut se consolider de plus en plus entre Henri et sa femme. Henri avait obtenu de ne pas faire abjuration publique, mais il avait renoncé entre les mains du confesseur du roi et entendait tous les matins la messe qu’on disait au Louvre. Le soir il prenait ostensiblement le chemin de l’appartement de sa femme, entrait par la grande porte, causait quelques instants avec elle, puis sortait par la petite porte secrète et montait chez madame de Sauve, qui n’avait pas manqué de le prévenir de la visite de Catherine et du dan-