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LA REINE MARGOT.

— Monsieur de La Mole est fier, dit-elle, et j’hésite à lui faire une proposition qu’il refusera sans doute.

La Mole se leva, fit un pas vers Marguerite et voulut s’incliner devant elle en signe qu’il était à ses ordres ; mais une douleur profonde, aiguë, brûlante, vint tirer des larmes de ses yeux, et, sentant qu’il allait tomber, il saisit une tapisserie, à laquelle il se soutint.

— Voyez-vous, s’écria Marguerite en courant à lui et en le retenant dans ses bras, voyez-vous, Monsieur, que vous avez encore besoin de moi !

Un mouvement à peine sensible agita les lèvres de La Mole.

— Oh ! oui ! murmura-t-il, comme de l’air que je respire, comme du jour que je vois !

En ce moment trois coups retentirent, frappés à la porte de Marguerite.

— Entendez-vous, Madame ? dit Gillonne effrayée.

— Déjà ! murmura Marguerite.

— Faut-il ouvrir ?

— Attends. C’est le roi de Navarre peut-être.

— Oh ! Madame ! s’écria La Mole rendu fort par ces quelques mots, que la reine avait cependant prononcés à voix si basse qu’elle espérait que Gillonne seule les aurait entendus ; Madame ! je vous en supplie à genoux, faites-moi sortir, oui, mort ou vif, Madame ! Ayez pitié de moi ! Oh ! vous ne me répondez pas. Eh bien ! je vais parler ! et, quand j’aurai parlé, vous me chasserez, je l’espère.

— Taisez-vous, malheureux ! dit Marguerite, qui ressentait un charme infini à écouter les reproches du jeune homme : taisez-vous donc !

— Madame, reprit La Mole, qui ne trouvait pas sans doute dans l’accent de Marguerite cette rigueur à laquelle il s’attendait ; Madame, je vous le répète, on entend tout de ce cabinet. Oh ! ne me faites pas mourir d’une mort que les bourreaux les plus cruels n’oseraient inventer.

— Silence ! silence ! dit Marguerite.

— Oh ! Madame, vous êtes sans pitié ; vous ne voulez rien écouter, vous ne voulez rien entendre. Mais comprenez donc que je vous aime…

— Silence donc, puisque je vous le dis ! interrompit Marguerite en appuyant sa main tiède et parfumée sur la bouche