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LA REINE MARGOT.

douleur de pleurer un époux qui n’avait jamais été son mari.

Elle en était là, lorsque la reine Catherine lui fit demander si elle ne voulait pas venir faire avec toute la cour un pèlerinage à l’aubépine du cimetière des Innocents.

Le premier mouvement de Marguerite fut de refuser de faire partie de cette cavalcade. Mais la pensée que cette sortie lui fournirait peut-être l’occasion d’apprendre quelque chose de nouveau sur le sort du roi de Navarre la décida. Elle fit donc répondre que si on voulait lui tenir un cheval prêt, elle accompagnerait volontiers Leurs Majestés.

Cinq minutes après, un page vint lui annoncer que, si elle voulait descendre, le cortége allait se mettre en marche. Marguerite fit de la main à Gillonne un signe pour lui recommander le blessé et descendit.

Le roi, la reine mère, Tavannes et les principaux catholiques étaient déjà à cheval. Marguerite jeta un coup d’œil rapide sur ce groupe, qui se composait d’une vingtaine de personnes à peu près : le roi de Navarre n’y était point.

Mais madame de Sauve y était ; elle échangea un regard avec elle, et Marguerite comprit que la maîtresse de son mari avait quelque chose à lui dire.

On se mit en route en gagnant la rue Saint-Honoré par la rue de l’Astruce. À la vue du roi, de la reine Catherine et des principaux catholiques, le peuple s’était amassé, suivant le cortége comme un flot qui monte, criant : Vive le roi ! vive la messe ! mort aux huguenots !

Ces cris étaient accompagnés de brandissements d’épées rougies et d’arquebuses fumantes, qui indiquaient la part que chacun avait prise au sinistre événement qui venait de s’accomplir.

En arrivant à la hauteur de la rue des Prouvelles, on rencontra des hommes qui traînaient un cadavre sans tête. C’était celui de l’amiral. Ces hommes allaient le pendre par les pieds à Montfaucon.

On entra dans le cimetière des Saints-Innocents par la porte qui s’ouvrait en face de la rue des Chaps, aujourd’hui celle des Déchargeurs. Le clergé, prévenu de la visite du roi et de celle de la reine mère, attendait Leurs Majestés pour les haranguer.

Madame de Sauve profita du moment où Catherine écoutait