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LA REINE MARGOT.

— Votre opinion n’était-elle pas que ce mariage devait faire votre malheur ?

— Mon cher François, dit Marguerite, quand un mariage n’est pas la suprême félicité, c’est presque toujours la suprême douleur.

— Eh bien, ma chère Marguerite ! comme je vous le disais, j’attends.

— Mais qu’attendez-vous, dites ?

— Que vous témoigniez votre joie.

— De quoi donc ai-je à me réjouir ?

— Mais de cette occasion inattendue qui se présente de reprendre votre liberté.

— Ma liberté ! reprit Marguerite, qui voulait forcer le prince à aller jusqu’au bout de sa pensée.

— Sans doute, votre liberté ; vous allez être séparée du roi de Navarre.

— Séparée ! dit Marguerite en fixant ses yeux sur le jeune prince.

Le duc d’Alençon essaya de soutenir le regard de sa sœur ; mais bientôt ses yeux s’écartèrent d’elle avec embarras.

— Séparée ! répéta Marguerite ; voyons cela, mon frère, car je suis bien aise que vous me mettiez à même d’approfondir la question ; et comment compte-t-on nous séparer ?

— Mais, murmura le duc, Henri est huguenot.

— Sans doute ; mais il n’avait pas fait mystère de sa religion, et l’on savait cela quand on nous a mariés.

— Oui, mais depuis votre mariage, ma sœur, dit le duc, laissant malgré lui un rayon de joie illuminer son visage, qu’a fait Henri ?

— Mais vous le savez mieux que personne, François, puisqu’il a passé ses journées presque toujours en votre compagnie, tantôt à la chasse, tantôt au mail, tantôt à la paume.

— Oui, ses journées, sans doute, reprit le duc, ses journées ; mais ses nuits ?

Marguerite se tut, et ce fut à son tour de baisser les yeux.

— Ses nuits, continua le duc d’Alençon, ses nuits ?

— Eh bien ? demanda Marguerite, sentant qu’il fallait bien répondre quelque chose.

— Eh bien, il les a passées chez madame de Sauve.

— Comment le savez-vous ? s’écria Marguerite.

— Je le sais parce que j’avais intérêt à le savoir, répondit